Ainsi c'est fait, ma première fois! Cela faisait si longtemps que j'attendais ce moment.. on m'en avait tellement parlé..J’en rêvais!! Et puis voilà que c'est fait: je suis parti à Paris.
Pourquoi, comment? La raison est simple, au mois de mars, en surfant sur le net, je découvre par hasard que Noam Chomsky, un des plus grands intellectuels encore en vie, vient après 25 ans d'absence donner une conférence à Paris le 29 mai. Le sage est vieux, a dépassé les 80 ans, et ce sera après mes derniers examens. Je ne connais rien de Paris, encore moins des voyages parfois facétieux avec la SNCF, mais il faut se décider vite car je savais pertinemment que les billets allait se vendre comme des petits pains. En même temps mon budget d'étudiant risque d'en prendre un sacré coup..Tant pis! En quelques clics, je me lance dans l'aventure!
Le samedi 29, je suis déjà à la gare de Lille à 6h30 du matin, je ne raterai pas mon TGV. Une heure de voyage ultra rapide, la campagne verte française défile à vitesse vertigineuse devant mes yeux, qui préfèrent surveiller attentivement mes papiers plutôt que de compter les maisons qui passent. Et oui, anxieux même quand tout le monde dort autour de moi.
8h02, j'arrive dans la célèbre Gare du Nord, stars de toutes les gares, qui a vu défiler en son antre les plus célèbres poètes et écrivains de leur temps. Sa grande carcasse métallique m'enserrait un peu plus à chacun de mes pas qui me dirigeaient dans le ventre de cette petite ville qui grouillait de voyageurs pressés, d'hommes et de femmes importantes aux attachés-cases et aux costumes impeccables. Ainsi tout est comme je me l'imaginais, et même mieux encore. Je sorti quelques instant plus tard pour me dégourdir un peu les jambes… et puis moi, il me faut marcher dans une ville longtemps pour la connaitre, les brochures pour touristes ce n'est pas mon truc.
Xème arrondissement. Les immeubles blancs autour de moi sont immenses des deux côtés de la rue. Immenses et presque interminables. Cette sensation de vertige et d'autant plus accentuée que les rues de la capitale se sont révélées comme étant de véritables chemins de montagne, on monte, on descend, gare au vélo! Je me dépêchais de trouver une quelconque grande surface, car je sais qu'on y trouve parfois des toilettes gratuites, et ma vessie allait exploser. Quand après vingt minutes de marche effrénées, je m'arrêtai sur un banc public. Près de moi se tenait un vieil homme, la soixantaine, style maghrébin, bref un "frère". J'engageais poliment la discussion en français, sur Paris, sur le temps, sur tout et sur rien. Puis après quelques minutes, comme à mon habitude, je surpris mon interlocuteur en braquant sans prévenir vers l'arabe. Dès qu'il entendit les premiers " akid..manaârefech..bettbiâ!" son visage s'illumina, et le vieil immigré marocain qu'il était me serra encore plus la main, heureux d'avoir trouvé un des siens dans ce pays où il était étranger. Le soleil marocain pointait presque dans chacun des mots qui sortait de sa bouche. Je l'écoutais attentivement car j'avais du mal à comprendre l'accent marocain-plus aigu que le tunisien-mais que j'adore. Les rides ne s’étaient pas encore dessinées complètement sur son visage à la peau hâlée, et il devait porter peut être les mêmes modestes vêtements qu’il s’était achetés lors de son arrivée en France. Il savait que j'étais à la recherche de toilettes et me proposa de suite de rentrer dans le café près de nous. Une fois le besoin naturel soulagé, je le retrouvai au comptoir avec deux cafés et un grand sourire. Nous reparlâmes un peu plus de la vie au Maroc, en Tunisie, en France, des gens aux cœurs froids comme l'hiver par ici, au contraire de la chaleur qui persistait encore chez ceux de là où nous étions nés. Puis après quelques instants, nous nous dîmes à dieu, dans un moment solennel, et je vis pour la dernière fois le vieux marocain du café de Paris..
Les heures passaient à toute vitesse. Je prenais des photos, me promenais encore et encore et promenais mon regard un peu partout. Je pris le soin de jeter un coup d'oeil au lieu où j'allais dormir la nuit: Grand Hôtel d'Amiens, 37.5 euros la nuit, le plus bas prix! Puis je continuais ma promenade, et j'observais. Les parisiens en fin de compte n’étaient pas aussi bizarre que ce à quoi je m'attendais, des citoyens d’un pays industrialisés, juste un peu plus stressé par la vie dans la capitale, ni plus ni moins. Je garderai néanmoins longtemps le souvenir de ce métro, aux nombreuses lignes qui se croisent et se recroisent. Le métro parisien, c'est quelque chose! De longs couloir blancs maculés de publicités, des stations désertes, d'autres bondés, les rames qui hurlent à l'approchent des stations. Mais je n'avais guère le temps d'admirer ces serpents souterrains. Mon cœur me poussait encore une fois à voire ce qu'il y avait de moins de français en France. Et à paris, il y a un endroit bien connu aussi comme étant à part, c'est Barbés.
A peine descendu de célèbre métro aérien, que je vis sous mes yeux précisément ce pour quoi j'étais venu: des rues noires de monde : des roumains, des latinos, des marocains, des algériens, des chinois, des africains, bref..presque aucun français. Une telle profusion de nationalités, un tel mélange de culture au pays de Sarko! Chaque instant mes yeux étaient attirés là puis là puis à côté, mon cerveau saturais d'images à retenir. Je me sentais le coeur plus léger à chacun de mes pas..
Le bonheur! Et comme nous étions samedi, c’étais jour de marché. Les voitures qui ne pouvaient plus passer dans les grandes rues encombrées par les commerçants et les badauds me rappelaient Tunis. Je pris le temps de manger un kébab près de la station, devant les informations qui relataient l'assaut meurtrier qui avait eu lieu contre la flottille de la liberté qui se dirigeait vers Gaza. Ma colère passée, je replongeai à nouveau dans cette masse inextricable d'hommes et de femmes, d'origines différentes mais qui me donnait en même temps le sentiment d'être chez moi, une joie qui nous donne l'impression d'être nous même, de nous réaliser, grâce au contact avec l'autre. C'est en lisant le blog d'une amie de Djerba (Djam si tu nous lis ;) )qui avait passé une partie de son enfance à Barbés que j'ai eu envie de visiter ce quartier, et je l'ai découvert tel que je me le suis imaginé ou presque, en tout cas loin de l'image sectaire montrée dans certains médias.
Rue de la Goutte d'Or, un "cycliste" comme on dit en Tunisie(un réparateur de vélo) avait ouvert sa minuscule boutique et réparai une chaîne cassée. Plus loin je vis une petite mosquée au coin de la rue, près de marchands de livres arabes. Ils vendaient des livres sur l'islam, je cherchais du Gibran, nos entretiens furent donc de courte durée.
Les marchands de tissus furent ceux qui me rappelèrent le plus le souk de Gafsa dans lequel je me promenais si souvent avec ma mère étant petit.
J'ai eu la chance de tomber sur de vieilles dames qui m'ont vendu l'équivalent marocain de notre "mtabbga", qui chez nous est une fine galette de pains farcie d'une sauce piquante, mais qui au Maroc est apparemment simplement trempée dans une sauce aux oignons. Et c'est avec regret que je vis que j'avais raté en fait, à quelques mètres près, le seul restaurant de France peut être à proposer un couscous authentique, et dont le prix ne vous coupe pas directement l'appétit. Avant de reprendre le métro, je suis tombé sur peut être ce qui restera la plus fine surprise de la journée: un homme qui faisait cuir du maïs sur un caddie, sur le trottoir, et le revendait comme si de rien n’était. Avec un dernier sourire, je quittai à regret ce petit bout de Maghreb en France, et me rappelant qu'il ne me restait plus beaucoup de temps, je replongeais au plus vite dans les entrailles souterraines de cette ville surprenante...
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